Marcher face à l’imprévu : que faire en cas de blessure ou malaise sur le chemin de Compostelle ?

24 octobre 2025

compostellegradignan.fr

Se préparer avant de partir : la meilleure arme contre la panique

Il y a des blessures que l’on ne peut pas éviter, mais il y a mille façons d’anticiper. Préparer un sac, c’est aussi préparer l’esprit à faire face à l’imprévu. Une étude de la Fédération Française de la Randonnée Pédestre rappelle que plus de 60 % des incidents sur sentier concernent de petits traumatismes (ampoules, entorses légères, écorchures), et qu’ils surviennent bien souvent sur des tronçons présentant peu de difficultés (FFRandonnée).

  • Emportez une trousse de secours adaptée : pensez aux pansements, à une bande, à des compresses, du désinfectant, des dosettes de sérum physiologique, quelques antalgiques (paracétamol), et si vous êtes sujet aux allergies ou aux pathologies chroniques, à votre traitement habituel.
  • Enregistrez le numéro d’urgence européen (112) sur votre téléphone. Ce numéro fonctionne dans toute l’Europe, même sans crédit ou carte SIM.
  • Laissez une copie de votre itinéraire et des contacts d’urgence à une personne de confiance.
  • Adaptez votre préparation physique : selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), après 60 ans, le risque de blessure à l’effort double si le corps n’est pas habitué à la marche longue (ANSES).

Reconnaître les signes : quand s’arrêter devient la meilleure décision

Par expérience, s’arrêter à temps évite bien des complications. Beaucoup de marcheurs veulent “tenir bon”, mais il est rare que la volonté compense les lois du corps une fois la douleur bien installée. Selon la Cruz Roja Española, les trois signaux qui doivent alerter immédiatement sont :

  • Une douleur aiguë spontanée, surtout à la cheville ou au genou
  • Des sensations inhabituelles : vertiges, vue trouble, impression de “vide devant soi”
  • Des battements cardiaques très rapides ou irréguliers au repos

On peut toujours “tenir” encore un peu, mais sur le Chemin, c’est souvent en s’écoutant que l’on va plus loin. S’asseoir, se réhydrater lentement, se poser à l’ombre, parfois demander de l’aide, cela fait aussi partie du pèlerinage.

Les gestes immédiats en cas d’accident ou de malaise

En cas de chute, d’entorse ou de blessure

  • Mettez-vous en sécurité hors du passage, notamment sur les portions de route ou en descente caillouteuse.
  • Inspectez la zone touchée : si la douleur est vive, s’il y a une déformation ou un gonflement très rapide, ne tentez pas de repartir. Immobilisez le membre si possible (écharpe improvisée, bande, écharpe de sac).
  • Désinfectez rapidement les plaies, même petites, surtout dans les zones rurales ou poussiéreuses.
  • Si la marche devient impossible ou si un doute persiste (cheville instable, hanche douloureuse), appelez ou faites appeler les secours (112). Précisez votre localisation (poteaux de signalisation, borne kilométrique, nom du chemin ou du GR).

Face au coup de chaleur ou à l’épuisement

  • S’arrêter à l’ombre, si besoin, s’asseoir ou s’allonger avec les jambes surélevées.
  • S’hydrater doucement (petites gorgées d’eau, pas de boisson glacée d’un coup).
  • Desserrer ses vêtements, aérer la peau. Une serviette humide sur le front et la nuque aide à faire baisser la température.
  • Attendre l’amélioration avant de reprendre la route. Si les nausées, les maux de tête ou la confusion persistent, contactez les secours.

En cas de malaise cardiaque ou de difficultés respiratoires

  • Arrêtez tout effort, appelez de l’aide immédiate.
  • Trouvez une position confortable, en assise ou demi-allongé(e).
  • Si vous avez un médicament (trinitrine pour l’angine de poitrine, inhalateur pour l’asthme), prenez-le selon l’ordonnance.
  • Appelez ou faites appeler le 112, même si le malaise semble passer.

D’après le Samu de France, la rapidité d’appel aux secours double les chances de récupération après un malaise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral. Sur le chemin, acceptez la solidarité des autres marcheurs — la plupart sont prêts à aider.

Quand demander de l’aide : mieux vaut un appel de trop qu’un de trop tard

Sur le chemin, vouloir “faire face seul” est tentant, mais la solidarité pèlerine sauve parfois la mise. D’après la Fédération Camino France, 80 % des appels aux services d’urgence concernent des accidents bénins, mais chaque année, des situations graves sont évitées grâce à un appel rapide.

  • Appelez dès que :
    • la douleur ne diminue pas après 20 minutes de repos
    • un saignement ne peut pas être arrêté facilement
    • le retour sur pied (chemin, route, village) semble risqué
    • personne n’arrive plus à marcher seul(e)

Sur certaines portions, notamment entre Monségur et Bazas ou sur la section de Captieux, la couverture réseau est aléatoire. Pensez à :

  • Envoyer votre position GPS si possible, ou indiquez le dernier village traversé
  • Utiliser les balisages du chemin pour aider les secours (GR655, voie de Tours, etc.)
  • Demander à un autre marcheur ou habitant de transmettre l’alerte à l’avance

Petits bobos, grandes conséquences : les ampoules et tendinites ne sont pas anodines

Une ampoule mal soignée, c’est parfois la fin du chemin. Les statistiques du Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse, qui suit chaque année des centaines de pèlerins, montrent que près d’un quart des abandons précoces sont dus à des lésions du pied, non à un problème de moral ou d’organisation (CHU Toulouse).

  • Utilisez des pansements type “seconde peau” dès la sensation de frottement.
  • Changez régulièrement de chaussettes, séchez bien vos pieds à chaque pause.
  • N’attendez pas que la douleur passe : à la première gêne, faites un arrêt prolongé.
  • Gardez toujours un tube de gel anti-inflammatoire et, en cas de tendinite qui dure, allégez impérativement la charge de votre sac, marchez moins ou faites une demi-journée de pause.
  • Une consultation dans une pharmacie de village ou auprès d’un cabinet médical en chemin ne signe pas l’échec : c’est simplement “marcher sagement”.

Après l’incident : faut-il poursuivre, ralentir, ou s’arrêter ?

Cette question taraude beaucoup de pèlerins. D’après une enquête du magazine Pèlerin (2022), 68 % des marcheurs reprenant la route trop vite après une blessure légère finissent par devoir abandonner ou changer radicalement leur parcours. Quelques jours d’arrêt, parfois dans une auberge ou chez un hôte, permettent une vraie récupération. La plupart des accueils compostellans — à Gradignan comme ailleurs — sont habitués à ces pauses et sauront vous orienter vers un médecin ou une pharmacie si besoin.

  • Écoutez votre corps : la douleur qui cède au repos autorise la prudence, pas l’exploit.
  • Utilisez les réseaux de transport local (bus, co-voiturage entre marcheurs, etc.) si une étape devient impossible à pied.
  • Osez demander conseil aux hospitaliers : tous connaissent les bonnes adresses et les ressources locales.

Conseils spécifiques pour les seniors et personnes plus fragiles

Lorsque l’on avance en âge, le corps a des signaux plus subtils voire trompeurs. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), 35 % des malaises chez les plus de 65 ans sont liés à une déshydratation mal repérée. Les médicaments (antihypertenseurs, antidiabétiques), le soleil ou un effort inédit peuvent aussi masquer la douleur sur le coup.

  • Hydratez-vous régulièrement, même sans soif apparente.
  • Pensez aux pauses fréquentes et à l’ombre.
  • Notez l’effet de vos médicaments à l’effort avec l’aide de votre médecin avant de partir.
  • N’hésitez pas à choisir des étapes plus courtes ou à vous accorder du temps en milieu d’après-midi ; rien ne vous oblige à arriver avant les autres.

L’accueil sur le chemin : jamais seul face à une difficulté

L’un des “secrets” du chemin, c’est cette fraternité discrète qui s’exprime dès qu’un pèlerin ne va pas bien. À Gradignan comme à Aire-sur-l’Adour, il existe des points d’accueil (“haltes”) où vous trouverez une oreille attentive et, si besoin, une assistance pour contacter un taxi, un médecin ou simplement préparer un retour temporaire.

Certaines aumôneries ou associations (accueil compostellan, covoiturage solidaire, réseaux WhatsApp de marcheurs) peuvent aussi relayer l’information en cas de souci important, notamment pour les personnes isolées. Vous trouverez une liste régulièrement mise à jour sur le site des Amis de Saint-Jacques (Compostelle.fr).

Laisser place à l’imprévu : le chemin continue, même différemment

Marcher, c’est s’ouvrir au possible, à l’accident comme à la beauté. Blessure, malaise, pause forcée : chaque détour du chemin apprend à vivre l’aventure autrement, parfois plus lentement, mais jamais tout à fait seul. Parfois, c’est en s’arrêtant que l’on fait véritablement rencontre, avec soi, avec les autres, ou avec cette hospitalité toute simple qui fait le sel du pèlerinage. Ralentir, différer, demander de l’aide, ce n’est ni faiblir ni échouer. C’est marcher “au vrai rythme” du chemin, celui qui nous rassemble, un pas après l’autre.

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