Marcher avec sa maladie chronique : conseils et réalités sur Compostelle

8 octobre 2025

compostellegradignan.fr

Quand la santé fait partie du voyage : une réalité à accueillir

Peu de pèlerins partent sur le chemin de Compostelle en étant totalement en forme. Beaucoup, surtout après 60 ans, vivent avec une maladie chronique ou suivent un traitement de longue durée : diabète, hypertension, troubles cardiaques, insuffisances rénales, polyarthrite ou encore asthme… Ces réalités font peur. Pourtant, chaque année, des milliers de personnes vivent leur chemin avec ces contraintes. Ce n’est pas un exploit : c’est souvent l’adaptation et la préparation qui font la différence.

Préparer son départ : que vérifier avant de se lancer ?

Un passage obligé : l’avis du médecin traitant ou spécialiste

Avant de réserver un train ou de chausser ses chaussures de marche, il est fondamental de consulter son médecin. Selon la Haute Autorité de Santé, près d’1 patient chronique sur 2 sous-estime les risques liés aux efforts physiques, même modérés (HAS).

  • Faites établir un certificat d’aptitude à la marche prolongée, même si aucun test n’est obligatoire.
  • Parlez franchement de votre projet, de la distance envisagée, des hébergements prévus.
  • Demandez une ordonnance récente (avec les génériques), et, si besoin, une lettre expliquant vos besoins médicaux (notamment en cas de traitement particulier : anticoagulants, insuline, morphiniques, etc.).
  • Renseignez-vous sur la compatibilité de votre traitement avec un effort prolongé ou les changements de rythme alimentaire/hydrique.

N’hésitez pas à demander conseil à votre pharmacien, notamment pour anticiper la gestion des médicaments en cas de chaleur, d’humidité ou de longues étapes (ex : conservation de l’insuline pour les diabétiques).

Penser au dossier médical portatif

Pour les porteurs d’une maladie chronique, il est vivement conseillé de constituer un dossier médical d’urgence :

  • Listing des antécédents et allergies
  • Nom, contact et spécialité de votre médecin
  • Médicaments (doses, horaires, renouvellement)
  • Traduction en espagnol, parfois en anglais

Certains utilisent une clé USB médicale ou une fiche plastifiée au fond du sac ou du portefeuille.

Gestion quotidienne des traitements et contraintes sur le chemin

Médicaments : comment assurer votre stock et leur conservation ?

Les pharmacies sont nombreuses en France, et régulières dans les grandes villes espagnoles. Pour autant, il arrive parfois de marcher une journée entière sans aucun commerce (voire deux, sur certaines variantes).

  • Prévoyez le nombre de doses nécessaires, plus le double pour 2-3 jours d’imprévus.
  • Rangez vos traitements dans des boîtes étanches à l’humidité et la chaleur. N’hésitez pas à utiliser des sachets isothermes (l’insuline supporte mal les fortes températures au-delà de 25-30°C, source ANSM ).
  • Certains médicaments sont soumis à prescription stricte : gardez toujours l’ordonnance sur vous, une copie sur le téléphone et – si vous passez la frontière – parfois la traduction nécessaire (cf. Infos sur douane.gouv.fr).
  • Sachant qu’en saison chaude, une température à l’intérieur d’un sac à dos peut dépasser 40°C, trouver un rafraîchissement chez les hébergeurs ou commerçants demande parfois d’oser demander de placer son flacon à l’abri : l’accueil est souvent bienveillant.

Heures de prise et adaptation au rythme du chemin

Entre les réveils matinaux, le décalage horaire (en Espagne), les étapes qui s’allongent et les repas parfois décalés, il est facile de perdre ses repères. Posez la question au médecin : dans de nombreux cas, il est possible de déplacer légèrement les heures de prise, ou de choisir l’option « matin-soir », en se calant sur le lever et le coucher.

Pour les traitements qui nécessitent une ponctualité stricte, il existe des applications de rappels sur smartphone ou de simples montres vibrantes (pratiques en dortoir pour la discrétion).

Les soins, l’autosurveillance et la gestion des petits incidents

Se connaître pour réagir vite

Les personnes diabétiques, insuffisants cardiaques ou personnes avec antécédents de syncope savent combien l’expérience compte pour juger leur fatigue ou leurs douleurs. Encore plus sur le chemin : l’écoute de ses propres signaux devient indispensable.

  • Prévoyez de quoi contrôler votre glycémie (lecteur, bandelettes, sucre en cas d’hypo).
  • Pour les traitements antihypertenseurs, vérifiez que votre tension est stable depuis plusieurs semaines avant de partir.
  • Apprenez à reconnaître les signes d’alerte : souffle court inhabituel, douleurs thoraciques persistantes, confusion, fièvre élevée… Chez le senior, la déshydratation est rapide et insidieuse, surtout sous traitement diurétique ou anti-inflammatoire (La Croix Rouge française insiste sur cet aspect).

L’entraide entre marcheurs ne se limite pas à l’écoute : informez un compagnon (ou l’hospitalier) de votre pathologie, sans être obligé de tout raconter.

En cas de pépin : qui prévenir ?

  • Un numéro d’urgence européen fonctionne dans tous les pays traversés : le 112.
  • Notez les coordonnées des médecins les plus proches à chaque étape (dans les guides et sur certains sites comme Miam-Miam Dodo ou sur l’appli Pèlerins de Compostelle).

Adapter son parcours et écouter ses limites

Quand diminuer la longueur des étapes ne veut pas dire « abandonner »

Beaucoup de seniors ou de concernés par un traitement chronique pensent devoir accomplir 20 à 30 km quotidiens pour être « un vrai pèlerin ». Rien n’est plus faux. En réalité, sur la portion du Chemin vers Gradignan et au-delà, la moyenne réelle des marcheurs âgés ou fragiles est souvent inférieure à 15-18 km par jour (source : témoignages recueillis à l’accueil de Gradignan, 2023-2024).

  • Prendre le temps d’un bivouac ou d’une pause supplémentaire est non seulement raisonnable, mais recommandé : les corps éprouvés récupèrent mieux dans la lenteur.
  • Le réseau des hospitalités (communs, gîtes, chambres d’hôtes) s’est adapté : il est maintenant possible de réserver ou de prévenir à l’avance si vos contraintes l’exigent.

En cas de besoin (plaie de pied, hypoglycémie, malaise sans gravité), il n’est pas honteux de prendre un bus, de faire une halte exceptionnelle en ville ou de choisir une étape plus courte. Le chemin de Compostelle est un des rares « voyages » où ralentir n’est pas un échec, mais un respect de soi-même.

Assurances, documents, et prise en charge en cas d’urgence

Assurances et Cartes : ne pas partir sans elles

  • La Carte Européenne d’Assurance Maladie (CEAM), à commander gratuitement (le site de l’Assurance Maladie le rappelle : www.ameli.fr).
  • Connaître le numéro d’assistance de votre complémentaire ou de l’assurance de votre carte bancaire (en cas de rapatriement médical).
  • Garder sur soi une fiche traduite de votre traitement en espagnol si vous partez sur le Camino Francés ou Norte (L’association Hospitalité Basque propose un lexique en téléchargement).

Vie pratique : alimentation, hydratation, chaleur et imprévus

La marche au long cours bouleverse les habitudes alimentaires et hydriques, ce qui est d’autant plus important pour les malades chroniques. Selon l’, 22% des pèlerins traités pour un diabète ou des troubles rénaux sous-estimaient leur risque de déshydratation.

  • Buvez avant d’avoir soif. Pour certains traitements, la sensation de soif est trompeuse.
  • Préférez des petites collations régulières aux gros repas, surtout en cas de diabète.
  • Misez sur les fruits, les compotes transportables, les sachets de purée de fruits ou amandes (excellentes en cas de coup de mou, légères à transporter).
  • Ayez toujours du sucre : sachets de sucre, jus de fruit, bonbons. À partager avec un compagnon, ça rapproche et ça rassure.
  • Par grandes chaleurs, avancer tôt le matin, rester à l’ombre dès que possible, et tremper un foulard, chapeau ou t-shirt pour se rafraîchir.

Quand la peur freine le départ : regards et encouragements

Marcher malgré sa maladie chronique, c’est parfois affronter des peurs : celle d’être un fardeau, celle d’être jugé lors d’une pause-protocole-médicaments, celle de ne pas tenir le rythme. Pourtant, selon les données de l’Agence française des chemins de Compostelle, plus d’1 marcheur sur 5 a déclaré partir avec une maladie chronique (2022), et seulement 3,5% ont dû interrompre leur chemin pour raisons de santé majeure.

Certaines associations, comme l’Association Française des Diabétiques, l’Association des Cardiaques Randonneurs et AIMA (Aide aux Malades Auto-Immunes), organisent désormais des accompagnements spécialisés ou des conseils à distance federationdesdiabétiques.org.

Le partage, la solidarité, l’expérience des hospitaliers et des marcheurs font du chemin un espace plus inclusif qu’ailleurs. Prendre soin de soi, c’est rendre possible l’échange, la rencontre et la confiance en l’autre.

Une étape à la fois : la route appartient à celles et ceux qui s’écoutent

Le chemin de Compostelle ne demande pas la santé parfaite : il s’adapte à la vie, à ses hauts et ses bas. Être porteur d’une maladie chronique, devoir gérer un traitement au long cours, c’est simplement marcher autrement, peut-être plus humblement, souvent plus intensément. Les plus beaux récits ne sont pas ceux de la vitesse ou des records, mais de la persévérance, du partage et du plaisir de mettre un pied devant l’autre, à son propre rythme.

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