Avant le grand départ : l’avis médical, une étape à ne pas négliger pour les seniors sur le chemin de Compostelle

19 septembre 2025

compostellegradignan.fr

Cheminer plus tard : nécessité ou précaution de voir son médecin ?

Sur le Chemin de Saint-Jacques, les visages sont de tous âges. La moyenne, selon l’Agence française des chemins de Compostelle, tourne autour de 55 ans, et un marcheur sur cinq a plus de 65 ans (chemins-compostelle.com). La retraite vient souvent ouvrir une porte longtemps rêvée : partir autrement, trouver ou retrouver un sens, se réapproprier son temps. Cette période marque aussi l’apparition – ou l’accumulation – de fragilités physiques, maux chroniques, doutes sur ses capacités. D’où cette interrogation récurrente, à la fois banale et terriblement concrète : faut-il consulter son médecin avant de s’élancer sur ces sentiers ?

Au fil de l’accueil des marcheurs à Gradignan, la question revient souvent, posée sur le ton de la crainte, de la prudence ou de la légèreté. Le bon sens et le respect de soi s’entendent ici : lorsqu’on avance en âge, la consultation médicale n’est pas une formalité administrative, mais une véritable mise en sécurité, à la fois physique et mentale. Elle permet de mieux se connaître, d’anticiper les embûches, d’obtenir (parfois) ce petit feu vert qui rassure, et d’ajuster son projet selon ses besoins propres.

Comprendre les vrais enjeux médicaux du chemin à pied après 60 ans

Marcher plusieurs centaines de kilomètres, jour après jour, modifie le rapport à son corps : on ne part jamais tout à fait le même le soir que le matin. Les préparations parfois enthousiastes masquent la réalité : la marche au long cours pour un senior, même en bonne santé, représente un défi physique cumulatif peu comparable à une simple promenade ou à la randonnée du dimanche.

  • Augmentation du risque de pathologies cardiovasculaires : Selon la Fédération Française de Cardiologie, 70% des infarctus surviennent chez les plus de 65 ans. L'effort prolongé, l'émotion du départ, la solitude du chemin, tout cela peut peser sur un cœur déjà sollicité par les années (fedecardio.org).
  • Problèmes articulaires et musculaires : L’arthrose touche plus d’un tiers des seniors de plus de 70 ans. Les genoux, les hanches, le dos, s’expriment souvent quand le rythme s’accélère ou que les sacs à dos se chargent.
  • Risques de déshydratation et troubles de l’équilibre : La sensation de soif diminue avec l’âge. Les déséquilibres peuvent survenir plus vite, surtout au fil de l’effort et de la fatigue.
  • Surveillance des maladies chroniques : Diabète, hypertension, insuffisance rénale légère. Tous les petits compagnons de route silencieux demandent plus d’attention dès que l’on s’éloigne de la routine du quotidien.

Contrairement à l’idée reçue que le chemin « remet en forme », il peut aussi révéler des failles ou, parfois, les précipiter. D’où l’importance d’un passage chez le médecin : il ne s’agit pas de se faire interdire le voyage, mais de l’adapter, de le sécuriser, pour mieux en profiter.

Ce que recommande le monde médical (et les associations de pèlerins)

Le ministère de la Santé, comme la Fédération Française de Randonnée et la Société Française de Gériatrie et Gérontologie conseillent à toute personne de plus de 60 ans, surtout en cas de projet de marche prolongée, une visite médicale spécifique. Il ne s’agit pas d’un « sésame sportive » obligatoire, mais bien d’une consultation dite « préventive », souvent remboursée dans le cadre du suivi annuel (ameli.fr).

Quelques points clés, régulièrement mis en avant :

  • La recherche d’un souffle court ou de palpitations inexpliqués
  • La vérification du bilan cardiovasculaire (tension, ECG si besoin)
  • L’évaluation orthopédique (pieds, genoux, hanches, dos), surtout si on a des antécédents de douleurs
  • La liste des traitements médicaux à emporter (et, si besoin, des substitutions possibles en France ou en Espagne)
  • L’ajustement éventuel du projet : limiter la longueur des étapes, prévoir des jours de repos, alléger son sac, privilégier certaines saisons

Les médecins généralistes connaissent globalement bien les besoins des seniors. Néanmoins, évoquer le projet en détail avec lui ou elle permettra un dialogue constructif, adapté à la singularité de chaque marcheur.

La visite médicale : à quoi s’attendre ? Comment la préparer ?

  • Choisir un rendez-vous calme : Idéalement, prévoyez la visite quelques semaines avant le départ, pour laisser le temps aux examens complémentaires ou à d’éventuels ajustements de traitements.
  • Préparer ses questions : Expliquer précisément votre projet : distance prévue, durée, types d’hébergements, accès aux soins le long du chemin. Amener la liste des médicaments habituels, les antécédents médicaux, les allergies éventuelles.
  • Demander conseil sur la trousse de secours : Il est utile d’aborder ce point (voir plus loin).

La plupart du temps, la consultation aboutit à un simple feu vert. Mais elle peut aussi permettre de réajuster le projet, de demander (ou non) un certificat médical, parfois obligatoire pour certains hébergements sportifs en Espagne, ou de recevoir des conseils personnalisés sur la gestion de douleur, de l’alimentation ou de l’hydratation.

Quelques chiffres à connaître avant de partir

Pays % des pèlerins de 60 ans et plus Nb annuel de marcheurs Compostelle (2022) Médecins consultés avant départ (%)
France 23% env. 40 000 40% selon enquête "Hospitalités Saint-Jacques"
Espagne 20,8% 376 000 non précisé

(Source : Statistiques Archiconfrérie Saint-Jacques de Compostelle et Coordination Française)

Les questions à aborder impérativement avec son médecin

  • Capacités physiques globales : Évaluer la capacité à enchaîner les jours de marche. Un test d’effort peut être proposé à partir de 65ans, surtout en cas d’antécédents cardiaques.
  • Gestion de la fatigue : Les seniors récupèrent généralement moins vite. Parlez du rythme prévu, des pauses, du sommeil.
  • Médicaments à adapter : Les traitements liés à la tension, au diabète ou aux douleurs chroniques devront parfois être ajustés.
  • Préparation des pieds : Vérifier s’il existe déjà des troubles (corne, ampoules, déformations), et demander l’avis sur la meilleure hygiène des pieds en marche.
  • Alimentation et hydratation : Conseils pratiques pour limiter la déshydratation, éviter la dénutrition.
  • Vaccins à jour : En particulier tétanos, utile sur les chemins ruraux.

Il peut aussi être utile de demander à son médecin une lettre synthétique résumant l’état de santé et la liste des traitements, traduite si besoin, à glisser dans ses affaires en cas de besoin.

Risque, plaisir, et cheminer ensemble : sortir de l’approche anxiogène

Il arrive que la peur du diagnostic, ou celle d’un possible «non», fasse hésiter à consulter : « Et si mon médecin me disait de ne pas partir ? » Pourtant, dans la pratique, rares sont les contre-indications totales. Les vrais obstacles sont plus souvent des étapes à franchir pour adapter son parcours que des barrières définitives. Car marcher sur Compostelle, même à 70, 80 ans, ce n’est pas partir à l’assaut d’Everest. C’est accepter un rythme, une lenteur, des surprises.

Quelques conseils glanés auprès de marcheurs croisés à Gradignan :

  • Certains partent en fractionné : deux semaines, puis retour, puis reprise l’an prochain. Cela soulage la pression.
  • D'autres font le choix des hébergements avec portage de bagages pour ne pas porter trop lourd (Colissimo, services locaux).
  • On ne regrette jamais une visite médicale, qui rassure plus souvent qu’elle ne freine.

L’entourage médical devient alors un allié : non pour injecter de la crainte, mais pour accompagner dans le plaisir de partir en confiance.

Des conseils pratiques pour préparer sa santé sur le Chemin

  • Bien chausser : Les chaussures doivent être rodées, adaptées, et sélectionnées avec soin. Les podologues recommandent des modèles à semelle bien souple, maintien sans serrer, et un essayage en fin de journée.
  • Se renforcer doucement : Une préparation à la marche progressive, en commençant plusieurs mois avant, même 3 à 5 km par jour, est plus efficace que quelques grandes randonnées avant le départ (FFRandonnée).
  • Prévoir un suivi à distance : Mettre dans son téléphone le numéro d’urgence européen (112), la carte vitale et une copie des ordonnances.
  • Optimiser sa trousse à pharmacie : Avec avis médical, emportez une mini-trousse : pansements, antiseptiques, anti-douleurs simples, crème solaire, traitement habituel, une fiche allergie si besoin.
  • Adapter ses ambitions : Mieux vaut marcher moins loin mais plus sereinement. 15-20 km sont déjà de belles étapes à savourer à tout âge.

Toutes ces mesures permettent de partir rassuré, et de se donner une chance supplémentaire d’aller jusqu’au bout, ou simplement de profiter du chemin, sans obsession de performance.

La force du dialogue : marcher oui, mais toujours à son rythme

Le Chemin de Compostelle, c’est avant tout une histoire de relation à soi, à l’autre, au temps retrouvé. Consulter son médecin avant de partir lorsque l’on est senior, ce n’est pas céder à la peur ou accepter une contrainte extérieure : c’est, au fond, offrir du soin à son rêve de chemin. On démarre alors le parcours avec plus de liberté, un soupçon de sérénité, sachant que chaque pas est posé sur une terre connue.

Les plus beaux souvenirs du Chemin, à l’étape ou sur la route, émergent bien souvent de cette confiance retrouvée : celle du corps, du cœur, de l’envie de continuer demain. Emmenez votre médecin dans vos bagages, au moins par la pensée : il ou elle sera fier, plus tard, de vous savoir arrivé à Santiago, ou simplement d’avoir fait partie, un temps, de votre aventure.

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