Marcher chaque jour, tout en prenant soin de son traitement médical

4 octobre 2025

compostellegradignan.fr

Se préparer : la sécurité d’abord, la liberté en plus

Partir sur le chemin de Compostelle ou sur un autre grand itinéraire à pied, c’est un rêve que rien ne devrait empêcher, pas même un traitement médical. Pour beaucoup, l’idée de marcher tout en devant prendre ses médicaments à heures fixes, ou porter son insuline, fait surgir des inquiétudes : “est-ce compatible ?”, “vais-je trouver mes médicaments en route ?”, “mes comprimés supporteront-ils la chaleur ?”... Ces questions sont légitimes, et il est possible d’y répondre, souvent plus simplement qu’on ne l’imagine.

Selon une étude réalisée en 2020 auprès des pèlerins par l’Association française des amis de Saint-Jacques (AF-ACSJ), près de 28% des Marcheurs de Compostelle âgés de plus de 60 ans suivent un traitement médical quotidien (source : AF-ACSJ, Bulletin “Le Jacobin”). Cela n’a pourtant empêché aucun de ces marcheurs d’aller au bout de leur projet – au prix, parfois, de quelques adaptations et, toujours, d’une bonne anticipation.

Prévoir avec son médecin : les points essentiels avant le départ

Le passage le plus important, avant de préparer ses chaussures, c’est d’ouvrir la discussion avec son médecin traitant quelques semaines (idéalement deux à trois mois) avant le départ. Voici les points à aborder ensemble :

  • Faire le point sur son état de santé : certains traitements (anti-hypertenseurs, anticoagulants, anti-diabétiques…) nécessitent un suivi particulier en cas d’effort prolongé.
  • Adapter les doses et les horaires : pour certains médicaments à heure fixe, il peut être conseillé de décaler la prise (voyage dans un autre fuseau, horaires de marche décalés…).
  • Vérifier la possibilité d’alléger le traitement : Parfois, pour de courts séjours ou selon l’évolution de la pathologie, un ajustement est possible.
  • Obtenir une ordonnance adaptée au voyage : Privilégier une ordonnance bilingue (français/espagnol pour ceux allant en Espagne), en double exemplaire.
  • Prévoir la gestion des effets secondaires : Si certains médicaments accentuent la photosensibilité, provoquent une soif ou augmentent le risque de malaise, c’est à anticiper.

Petite astuce : demander une copie numérique de l’ordonnance (photo/scan) à conserver dans sa boîte mail en cas de perte de l’original.

Transports, stockage et organisation des médicaments en randonnée

Gérer ses comprimés et piluliers en itinérance n’est pas une course d’obstacles, avec quelques habitudes :

  • Opter pour un pilulier semainier : qui évite d’emporter toutes les boîtes volumineuses. Un pilulier solide et compact protège aussi les comprimés de l’humidité ou de la casse.
  • Conserver les boîtes d’origine pour les substances sensibles : (insuline, certains traitements du cœur) avec leur étiquette – c’est nécessaire en cas de contrôle.
  • Prévoir un sac isotherme si besoin : Pour l’insuline ou certains collyres, on trouve aujourd’hui des pochettes réfrigérantes portatives adaptées à la marche (type Frio®, validé par l’INSERM – source : INSERM, dossier “Médicaments et chaleur”).
  • Éviter l’exposition à la chaleur excessive : Dans une sacoche près du corps ou dans une poche latérale du sac, protégée par une serviette ou un vêtement.
  • Prendre en compte les longues étapes : Si une prise doit se faire loin d'un abri, prévoir une alarme ou une montre pour ne pas oublier – la fatigue allonge parfois la journée.

Combien de médicaments emporter ?

Prévoyez le nécessaire pour toute la durée de votre marche, si votre itinéraire dépasse 4 semaines. Pour un séjour plus long, renseignez-vous en amont sur la possibilité de renouveler votre ordonnance en pharmacie sur le parcours : en Espagne par exemple, les pharmacies peuvent accepter une ordonnance européenne pour certains médicaments courants (source : Ministère des Affaires étrangères, Guide santé Europe). En France, tout pharmacien peut contacter votre médecin via les services d'urgence médicaux (rarement à l’étranger).

Sur le Chemin : astuces de terrain, gestion des imprévus et priorités sécurité

Malgré toutes les prévisions, le Chemin reste un grand terrain d’imprévus : retard, hébergement complet, météo capricieuse, coup de fatigue… Cela fait aussi le charme du voyage. Pourtant, lorsqu’on est sous traitement régulier, rester flexible nécessite quelques aménagements simples pour transformer ces imprévus en anecdote, pas en urgence médicale :

  • Avoir toujours une dose de secours sur soi : Par exemple, une dose du soir ou du lendemain dans une pochette autour du cou ou à la ceinture, au cas où votre sac principal viendrait à être séparé de vous.
  • Apporter un document d’information médicale : Carte d’allergies, antécédents, liste des médicaments, numéros d’urgence – voire une fiche écrite à la main glissée dans le portefeuille. De plus en plus de marcheurs utilisent le dispositif ICE (In Case of Emergency) dans le téléphone.
  • Demander conseil aux hôpitaux locaux ou pharmacies en cas de souci : Le personnel est souvent habitué, surtout sur les grands chemins fréquentés ; “Jacques”, un pèlerin croisé à Navarrenx, a évité un malaise en signalant à la pharmacienne une baisse suspecte de tension : elle a pu l’orienter vers la consultation la plus proche, tout en adaptant ses prises.
  • Prendre garde aux horaires irréguliers : Les repas tardifs ou les sauts de repas peuvent perturber la gestion du diabète ou des traitements digestifs. Un sachet de compote, une collation sèche ou des fruits secs dans la poche limitent les risques.

En cas d’urgence : Ne pas hésiter à solliciter le 112 (numéro d’urgence européen) ou le 15 (SAMU, en France) – les secours sont rodés pour venir jusqu’aux marcheurs, même sur des chemins isolés.

Médicaments et chaleur, transpiration, efforts : les impacts physiologiques à connaître

Marcher sous le soleil ou dans la fraîcheur du matin, face au vent ou en plein effort, change la manière dont le corps réagit aux médicaments. Les principaux points de vigilance :

  • Risque de déshydratation : Diurétiques, traitements de l’hypertension ou certains antidépresseurs favorisent la perte d’eau ; en chemin, pensez à boire régulièrement (une étude de la Croix Rouge de 2018 montrait une augmentation de 30% du risque de malaise chez les seniors sous diurétique par forte chaleur – source : Dossier “Hydratation et effort” de la Croix Rouge).
  • Hypoglycémies chez les diabétiques : Dû à l’effort et aux repas irréguliers. L’Association Française des Diabétiques recommande d’avoir systématiquement de quoi se resucrer (comprimés de glucose, jus de fruit, voire sucre en morceaux) en poche accessible.
  • Effets photo-sensibilisants : Certains antibiotiques et anti-inflammatoires, ainsi que certains traitements du cœur, peuvent provoquer des rougeurs ou brûlures lors d’une exposition solaire prolongée. Protégez les zones exposées (manches longues, chapeau, crème solaire forte protection type 50+).
  • Interactions médicamenteuses et compléments alimentaires : Attention aux faux amis : le millepertuis, parfois proposé dans des tisanes “anti-fatigue” en auberge, perturbe l’action de nombreux traitements dont les anticoagulants (source : ANSM, Liste des interactions médicamenteuses majeures 2022).

Pilulier du cœur : marcher, c'est aussi prendre soin de soi autrement

Fréquenter les chemins, c’est bien plus que croiser des villages et collectionner les kilomètres : c’est aussi apprendre à écouter son corps, à repérer les signes de faiblesse ou de forme, à ajuster ses gestes. L’expérience montre que beaucoup de marcheurs, au fil des semaines, découvrent une nouvelle aisance à gérer leur traitement – parfois, même, une baisse des besoins, après avis médical.

Prenez le temps d’observer comment votre corps réagit aux nouveaux rythmes de marche :

  • Notez les horaires de prise et d’apparition éventuelle d’effets secondaires pour pouvoir en parler à votre médecin au retour et, si besoin, en cours de route si les symptômes justifient une consultation.
  • Discutez avec d’autres marcheurs croisés sur le chemin : la richesse des expériences partagées vaut bien souvent un manuel.
  • Permettez-vous de ralentir. L’intérêt du chemin, c’est d’aller à son rythme – et d’écouter, plutôt que de subir, le tempo de sa santé.

Des ressources à portée de bâton : où trouver de l’aide et s’informer en chemin ?

Beaucoup d’associations de pèlerins, mais aussi les accueils municipaux et gîtes, recensent les points d’informations médicales et les contacts utiles :

  • Permanences de la Croix-Rouge ou de l'Ordre de Malte dans certaines grandes villes sur la voie, notamment à Saint-Jean-Pied-de-Port, Aire-sur-l'Adour, ou à Burgos côté espagnol.
  • Numéros utiles fournis par les offices de tourisme (liste des médecins de garde, adresses des pharmacies ouvertes le dimanche ou la nuit).
  • Structure “Camino Seguro” (Chemin Sécurisé), lancée en 2021 en Espagne : information médicale, points d’eau, alertes chaleur (informations sur le site de la Fédération Espagnole des Associations du Chemin de Saint-Jacques).
  • Groupes de veille via WhatsApp ou sites dédiés : de nombreux gîtes mettent en lien les marcheurs pour partager infos et bons plans sécuritaires.

Pour garder le cap, tout en douceur

Marcher sur Compostelle avec un traitement médical, c’est possible et c’est souvent plus simple qu’on le craint au départ. L’expérience et l’anticipation priment, accompagnées toujours de cette écoute attentive de ses besoins. Emmener ses comprimés, c’est parfois aussi partir léger sur soi : léger d’inquiétudes surtout, lorsqu’on sait que chaque pas est accompagné d’une vigilance raisonnable et jamais d’angoisse.

Le plus beau, sur le chemin, c’est qu’on n’y voyage jamais seul : ni face à ses doutes, ni face à ses questions médicales. Les solutions existent, les ressources aussi. Et marcher lentement, en paix avec son traitement, c’est déjà prendre soin de soi le long du chemin.

Sources : AF-ACSJ, INSERM, ANSM, Ministère des Affaires étrangères, Croix Rouge, Ordre de Malte, Associations Françaises de Diabétiques

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